Le rituel du 1er mai dans les années 1955/60
Graines de Voyages





 
Lorsque j'étais enfant, tous les ans, nous allions cueillir le muguet du premier mai en famille. C'était l'occasion d'un grand pique-nique avec les oncles, tantes, cousins, cousines, grands-parents.

C'était toute une expédition! Les voitures se suivaient en cortège: la grande voiture rectangulaire verte de mon oncle, la citroën de mon père et celle d'un autre oncle, une citroën également il me semble. L'aîné de mes oncles achetait des voitures d'occasion dans un garage ami, les réparait  et fournissait la famille.Nos premières voitures, c'était lui!Il était routier et excellent mécano, c'était l'expert de la famille.Tous les gamins  étaient en admiration devant les semi-remorques qu'il conduisait et mes frères jouaient aux chauffeurs poids-lourds, mimant les histoires fabuleuses qu'ils entendaient.

Elles étaient superbes ces voitures! De larges sièges , des strapontins, de larges marche-pieds...nous y tenions à deux familles. Elles étaient beaucoup plus spacieuses que nos berlines contemporaines!Par contre, les voyages étaient très longs, et les pannes souvent au rendez-vous!

 
 
Une fois sur place, nous cherchions une clairière, sortions les couvertures, tables et chaises de camping. Et,pendant que les femmes installaient et déballaient le repas, par petits groupes, nous entrions dans le bois épais à la recherche des brins fleuris.Les moustiques dans les flaques d'eau, la mousse, l'ombre, les branches tombées au sol, des ornières boueuses, et parfois des carcasses d'animaux déjà bien nettoyées, usées par l'érosion donnaient à la pénombre une ambiance inquiétante.Et si l'un de nous s'attardait à la contemplation de quelque bestiole et qu'il se retrouvait seul, aussitôt, effrayé, il appelait ; le cri semblait s'étouffer dans les feuillages, mais toujours quelqu'un entendait et c'était un soulagement que d'être retrouvé alors qu'on se sentait perdu, un bonheur indicible de rejoindre le groupe!

J'adorais suivre mon grand-père.J'attendais la rencontre, la découverte qui l'emmènerait hors du temps, rattrappé par ses souvenirs : une carcasse de cheval, un casque  cabossé, une douille.... Chaque fois, il se remémorait...pour nous! C'étaient les rares moments où il parlait de cette grande guerre , de cette époque du front, des batailles dans les bois tout autour de Verdun.Et dans cette cathédrale humide et sombre, ses évocations, le ton de sa voix, son recueillement montraient toute l'horreur des combats, les misères des soldats, dans la boue, le froid, la pluie, la vermine, leur courage aussi dans cette mission, leur cohésion...et pour nous la cueillette du frais porte-bonheur discret et sobre, immaculé, revêtait toute son importance, l'espoir de ne jamais vivre  ça!

Malheureusement, le muguet n'est jamais fleuri dans les bois chez nous, le premier mai. Alors nous arrangions de jolies collerettes de feuilles émeraude,  avec au centre les minuscules boutons vert tendre des clochettes  qui ne tarderaient pas à s'épanouir, exhalant leur parfum délicat.

 

C'était une grande fête que cette journée avec tous les cousins! Nous nous regroupions par âges: mon cousin , de dix ans notre aîné,servait de lien entre les adultes et nous,sa soeur et moi, les deux plus grandes filles , qui n'avions qu'une année de différence.Venaient ensuite les plus jeunes enfants, qui eux aussi allaient par deux, imaginant toutes sortes de bêtises !

Le soir, nous rentrions fourbus, les jambes rouges d'écorchures, brûlants des piqûres de moustiques ou de la morsure du premier soleil qui rougissait la peau encore toute fragile d'avant l'été. Mais chaque fois, c'était une nouvelle aventure dans la forêt étrange et sombre, avec ses craquements, ses crissements, ses cris d'oiseaux, toutes sortes de fantômes qui rôdaient dans les arbres,   un silence habité où l'on est tout petit, où l'on se sent fragile!Et nous restait le souvenir de ces retrouvailles, seuls dans l'immensité verte, tous ensemble, complices, loin du reste du monde!
 

Connaissez-vous les origines de la fête du travail?En voici une version.      




 

  • Chantaloup des îles dit :
    18/9/2013

    Re coucou Lilou

    Je prends énormément de plaisir à te lire, c'est tellement bien structuré qu'on semble y être, bravo et toutes mes félicitations! La deuxième voiture me fait penser à mon Pépère maternel qui avait une Traction familiale à La Réunion, avec des petits stapontins pour les petits juste derrière la banquette du conducteur, j'adorais cette voiture!!!! A bientôt, de gros bisous!

  • Polani dit :
    1/7/2013

    Coucou Liliane,
    Cette partie ethnologique de ton site me ravit et me passionne, j'ai eu une enfance très citadine et très différente, alors je découvre.
    Pol aime aussi mais parce qu'il se retrouve dans ce que tu écris, il a vécu les mêmes moments et il en est très nostalgique, il déguste tes récits et il aime les photos.
    Merci pour tout cela, ça fait longtemps que je voulais te l'écrire et je n'avais pas encore pris le temps !
    Amitiés de nous deux
    Annie et Pol

  • Nicole dit :
    5/6/2013

    J'ai vécu ces moments en famille avec cousins cousines... De merveilleux pique-niques!! Tu m'as donné envie Lilou d'aller piocher dans ma boite aux souvenirs pour retrouver ces délicieuses photos noir et blanc!!




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