Première impression à la descente de l'avion: un nuage de chaleur montant de l'asphalte, une atmosphère très lumineuse dans l'aube naissante et très peu de monde sur les terrasses, après la foule d'Orly. Récupération des bagages en vrac au-milieu d'une salle déserte, départ sur la piste ocre rouge et traversée de quelques quartiers résidentiels surprenants par le contraste des cases et des villas au-milieu de jardins verdoyants.
Vint ensuite la recherche d'un logement qui nous amena au Béguinage, endroit très agréable à l'architecture apaisante, d'un charme fou avec une grande place ombragée entourée de petites arcades devant chaque logis. Franchi le seuil, c'était déjà l'aventure: deux grandes pièces hautes aux plafonds lambrissés et traversés de poutres de bois rouge, murs peints en vert, fenêtres simplement fermées par des volets , mobilier en essences locales , de fabrication artisanale, très beau malgré l'inconfort des sièges en bois, lit à moustiquaire, brasseurs d'air très efficaces. A côté,une salle d'eau, murs vert d'eau, pomme de douche dans un coin, toute simple et par contre très fonctionnelle, des toilettes, une cuisine extérieure au frigo habité de margouillats, d'araignées plates comme desséchées dans le freezer, et enfin... une petite loggia juste devant la porte, abritée des regards par un bougainvillée rose pâle, et par derrière une courette en terre battue avec de grosses poteries et des vanneries oubliées.
Devant la porte de notre case du Béguinage
Préparation des brochettes de zébu
Ados à la recherche de sauterelles
Les journées à Fort-Lamy étaient longues, bien que le soleil, bizarrement ,se couchât très tôt. Le matin, dès cinq heures, les rues s'animaient des discussions des passants qui s'apostrophaient gaiement. A sept heures, tout le monde était au travail. Je m'installais dans la loggia devant notre maison pour lire ou tricoter, pendant que mon mari participait à la surveillance et aux corrections de concours et d'examens divers. Séance de tricot dans la loggia,
à l'abri des bougainvillées
La première semaine me fut particulièrement pénible. Quand un étranger arrivait, cela se savait très vite. Aussi recevé-je la visite de marchands et de nombreux mendiants. Ce fut une découverte pour moi qui n'avais jamais rencontré cette forme de misère qui n'existait pas en France à cette époque. En général, un couple composé d'un vieillard aveugle mené par un enfant, ou le contraire , se présentait devant la terrasse, psalmodiant une litanie incompréhensible ... et attendant...
Parfois aussi, des prisonniers vêtus d'uniformes rayés, comme ceux des bagnards des BD, travaillaient au Béguinage.C'était très surprenant!
Je dus aussi m'habituer au Printania, seul grand magasin de produits européens. Pour y entrer, il fallait passer au-milieu d'une double rangée de lépreux tendant leurs moignons ou se traînant à terre sur leur tronc mutilé pour demander l'aumône.
Beaucoup d'autres endroits me plurent par leur animation, leurs couleurs, leurs odeurs, les expressions chantantes et amicales des Tchadiens, la découverte d'autres habitudes. Le marché par exemple était un endroit très pittoresque. C'était une grande halle où les bouchers circulaient au-milieu de la foule,portant sur la tête ou sur l'épaule de gros quartiers de viande dégoulinant encore de sang... Nous y achetions de grandes pièces de zébu d'une très grande tendreté que mon mari débitait en steacks délicieux. Par contre, je ne pus m'habituer à l'odeur du fût de tripailles d'où s'écoulait un jus verdâtre à l'entrée du marché... ni aux odeurs de poisson séché que recouvrait une myriade de mouches...
J'aimais beaucoup flaner sur les marchés artisanaux où nous trouvions toutes sortes d'objets: vêtements traditionnels, peaux, poufs, tapis, couvertures de coton, bois sculptés, instruments de musique, poteries, bronzes, bijoux... Le marchandage était de rigueur, c'était un jeu auquel il fallait se plier. C'était un art où je n'excellais pas. Parfois, des camelots passaient au Béguinage pour vendre leurs produits, soit de la pêche, soit de leur artisanat, et les discussions duraient bien au-delà du simple commerce.
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| | Installation le matin | | | | |
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| | Les paysannes installées à même le sol | | | | |
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| | Le départ du taxi-brousse | | | | |