Jean Richepin
  • Le chemin creux
 






 

Le chemin creux




Une poésie complètement oubliée, dont les mots peu à peu font écho à de vagues souvenirs qui se rafraîchissent au fil des relectures, associés à des images de mes propres explorations des chemins de la campagne boulonnaise et à mes trajets vers l'école primaire distante de 2km environ.



 
Le long d'un chemin creux que nul arbre n'égaie,
Un grand champ de blé mûr, plein de soleil, s'endort.
Et le haut du talus, couronné d'une haie,
Est comme un ruban vert qui tient des cheveux d'or.

De la haie au chemin tombe une pente herbeuse
Que la taupe soulève en sommets inégaux,
Et que les grillons noirs à la chanson verbeuse
Font pétiller de leurs monotones échos.

Passe un insecte bleu vibrant dans la lumière,
Et le lézard s'éveille et file, étincelant,
Et près des flaques d'eau qui luisent dans l'ornière
La grenouille coasse un chant rauque et râlant.

Ce chemin est très loin du bourg et des grands'routes.
Comme il est mal commode on ne s'y risque pas.
Et du matin au soir les heures passent toutes
Sans qu'on voie un visage ou qu'on entende un pas.

C'est là que vient le gueux ,en bête poursuivie,
Parmi l'âcre senteur des herbes et des blés,
Baigner son corps poudreux, et rajeunir sa vie
Dans le repos brûlant de ses sens accablés.

Et quand il dort, le noir vagabond, le maroufle
Aux souliers éculés, aux haillons dégoûtants,
Comme une mère émue et qui retient son souffle,
La nature se tait pour qu'il dorme longtemps.

                          Jean Richepin, La chanson des gueux
 
*Voir aussi:
*Chez Polani, un  chemin creux en Bretagne , très différent vous verrez! à découvrir 
*enfance et voyage
*les artistes bohémiens




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